La pharmacie d'officine fait partie des branches d'activité dont l'actualité conventionnelle intéresse de nombreux observateurs de la vie paritaire française. Il y est, actuellement, question d'appel d'offres frais de santé et prévoyance, pour les cadres et les non cadres. BI&T revient sur les grands enjeux de ce dossier.
Vers la fin d'une situation confuse
Les salariés des pharmacies d'officine sont couverts, de longue date, par des régimes prévoyance et frais de santé, dont Klesia est l'assureur de référence. Le rapport entretenu par l'assureur et la branche n'est toutefois plus aussi clair qu'il l'a longtemps été. S'il continue en effet à bénéficier d'une désignation, jusqu'à la fin 2017, pour le régime de l'encadrement, ce n'est plus le cas, depuis le 1er janvier 2016, concernant le régime des non cadres. Malgré cette situation juridiquement équivoque, le poids des traditions ainsi, sans doute, que le souhait de la plupart des employeurs de n'avoir qu'un seul assureur pour l'ensemble de leur personnel, ont profité à l'opérateur historique du régime.
Toujours est-il que, dans l'état actuel des choses, la protection sociale de la pharmacie d'officine apparaît moins homogène qu'elle ne pouvait l'être jusqu'à la fin de l'année 2015. C'est en grande partie afin de redonner une cohérence à cette politique conventionnelle fondamentale qu'une organisation patronale : la FSPF, ainsi que trois organisations salariales : la CGT, la CFDT et la CFTC, ont acté, début mai, le lancement prochain d'un appel d'offres protection sociale pour l'ensemble des salariés. Cet appel d'offres visera à effectuer une recommandation.
Le désaccord de FO
Quelle que soit leur pertinence, ces arguments n'ont pas convaincu l'ensemble des représentants patronaux et salariaux de la branche. En particulier, Force Ouvrière n'est pas d'accord avec la nécessité de recourir à un appel d'offres. Son secrétaire fédéral chargé de la pharmacie d'officine, M. Olivier Clarhaut, estime d'abord que la procédure de recommandation comporte des risques importants pour l'équilibre financier des régimes de branche : "La recommandation représente un danger pour l'assureur, celui-ci étant obligé de prendre en charge le risque le plus défavorable (la prévoyance lourde) alors que les entreprises peuvent confier le risque frais de santé ailleurs".
En outre, FO estime qu'il n'est pas opportun, pour une branche où la mutualisation est élevée, comme c'est le cas de la pharmacie d'officine, de choisir de s'engager dans un processus de recommandation. D'après M. Clarhaut, le pari de la tacite reconduction mérite d'y être fait, favorisant ainsi le maintien du niveau de la mutualisation : "L'assureur actuel a davantage intérêt à tenter de conserver son portefeuille actuel sans être recommandé, profitant de son "historicité"..." Force est de reconnaître que bien d'autres branches et assureurs paritaires ont déjà fait ce calcul, avec succès jusqu'à présent.
Au total, le responsable de Force Ouvrière regrette qu'aucune discussion de fond n'ait eu lieu quant à l'opportunité de se passer d'un appel d'offres. Jugeant que le débat a été "bâclé par la précipitation de certains", il assure que "d'autres formes de partenariat étaient possibles sans aller vers la recommandation". Le lancement de l'appel d'offres n'ayant pas fait l'objet d'un consensus paritaire, il faut croire que FO n'est pas la seule à penser qu'il ne constitue pas la meilleure réponse aux problèmes qui se posent actuellement à la protection sociale de la branche.
Klesia et FO dans le viseur ?
Si les partisans du processus n'ont pas du tout été sensibles aux arguments de FO, c'est peut-être aussi parce qu'en réalité, leur objectif n'était pas uniquement de clarifier le statut de l'opérateur protection sociale de la branche. D'après nos informations, parmi les représentants des quatre organisations à l'origine du processus, certains ont également estimé nécessaire de bousculer quelque peu Klesia, afin de vérifier s'il n'était pas possible de trouver un meilleur rapport qualité/prix et une meilleure qualité de service que ceux de l'actuel régime.
L'assureur semble d'ailleurs avoir bien compris les multiples risques de la procédure en cours. Il est fort probable que, comme il l'avait fait dans la branche de l'immobilier, il ne candidate pas à l'appel d'offres. FO le confirme : "Rien ne permet de penser que l'assureur actuel répondra à la mise en concurrence". On en serait alors loin de la volonté de cohérence du dispositif de protection sociale mise en avant par les partisans de l'appel d'offres...
Les mauvais esprits se demanderont finalement si le processus d'appel d'offres n'aurait pas un objectif caché. Il n'est pas inutile de rappeler que le vice-président de Klesia Prévoyance n'est autre que Jacques Techer, qui, accessoirement, est le secrétaire général de la fédération FO de la pharmacie, du cuir et de l'habillement. Il n'est pas non plus inutile de rappeler que FO vient de devenir la première organisation salariale de la pharmacie d'officine, alors que la CGT et la CFDT se sont affaissées. Dans cette configuration, il est tentant de penser que la remise en cause de la position de Klesia dans la branche correspond à une tentative de s'attaquer aux positions établies de FO.