Les partenaires sociaux de la convention collective du négoce en fournitures dentaires (IDCC 635) ont mis en place une protection sociale collective par un accord du 13 octobre 2015.
Entré en vigueur le 1er janvier 2016, cet accord recommande Klesia en santé prévoyance ainsi que l’OCIRP pour les prestations de rentes.
Dans le cadre de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, les partenaires sociaux ont bien prévu la mise en place du degré élevé de solidarité à l’article 9 de l’accord sans toutefois en détailler réellement le contenu. Un fonds social est également créé afin de financer le degré élevé de solidarité, il est prévu par l’article 14 comme suit :
« Un fonds de solidarité́ est financé par un prélèvement de 2% sur les cotisations définies à l’article 6 versées par les entreprises entrant dans le champ d’application du présent accord et ayant choisi les organismes assureurs recommandés à l’article 10.1.
[…]
Le fonds de solidarité bénéficie aux seules entreprises ayant rejoint l’organisme assureur recommandé à charge, pour les autres entreprises, de veiller au respect des actions de solidarités spécifiques du régime professionnel notamment auprès de leur organisme assureur.
Chaque année, le financement du fonds de solidarité est réexaminé, en fonction des comptes de résultat défini à l’article 11.3, sur décision annuelle de la Commission paritaire de surveillance après concertation avec l'organisme assureur recommandé.
Un règlement est établi entre l’organisme recommandé et les partenaires sociaux de la branche afin de permettre notamment :
- De déterminer les modalités notamment les orientations des actions de prévention ainsi que les règles de fonctionnement et les modalités d’attribution des prestations d’action sociale librement décidées par les partenaires sociaux de la branche ;
- La réalisation de la politique d’action sociale, de secours et d'entraide auprès des salariés, ayants-droit et anciens salariés de la branche et de prévention dans le respect de la solidarité du régime professionnel déterminée à l’article 9. »
Le fonds social réservé aux adhérents à Klesia et l’OCIRP
L’accord du 13 octobre 2015 est intéressant car il n’organise pas de réelle mutualisation du financement de la solidarité. En effet, le fonds social créé est uniquement destiné aux entreprises qui ont choisi les organismes assureurs recommandés.
Cela signifie qu’il faut non seulement avoir choisi Klesia en santé collective, mais il faut aussi avoir opté pour Klesia et l’OCIRP en prévoyance collective !
Si une entreprise n’adhère qu’à l’un des deux organismes pour un seul régime de protection sociale, elle ne rentre pas dans le cadre du fonds social.
Les fonds sociaux « non mutualisés » échappent au dernier décret
Comme nos lecteurs le savent, le décret du 9 février 2017, paru deux jours plus tard au Journal officiel, est venu déterminer les obligations qui incombent aux partenaires sociaux qui décident du financement mutualisé du degré élevé de solidarité.
Pour que ce décret s’impose aux accords collectifs, il est donc nécessaire que toutes les entreprises qui entrent dans le champ d’application du régime de protection sociale soient visées par l’utilisation du fonds social.
Dans le cas du fonds créé par l’accord du négoce en fournitures dentaires, les signataires de l’accord précisent bien que le dispositif est réservé à une sélection d’entreprises. Toutes celles qui ne sont pas adhérentes à Klesia et l’OCIRP doivent veiller au respect du degré élevé de solidarité.
Les modalités d’organisation et de gestion du fonds social n’ont donc pas à être prévues par l’accord collectif qui le met en place.
Certains pourraient aussi arguer de l’antériorité de l’accord par rapport au décret, ce qui entraine, de fait, son inapplication. Cependant, la validité des accords collectifs conclus avant la parution de dispositions législatives sur les fonds sociaux est au cœur d’une procédure judiciaire.
La question en suspens de la compétence des partenaires sociaux
Si la mise en place du fonds social du négoce en fournitures dentaires est conforme aux dispositions en vigueur, une question demeure : celle de la compétence des partenaires sociaux à négocier sur ce sujet. En effet, le Conseil d’Etat a récemment demandé au juge judiciaire de se saisir de la question de savoir si, en l’absence de dispositions législatives sur la solidarité, notamment son financement, les partenaires sociaux avaient la compétence de signer des accords sur ce thème.
La réponse à cette question n’est pas encore connue mais plusieurs pistes pourraient être envisagées.
Soit le juge reconnaît l’incompétence totale des partenaires sociaux, auquel cas, tous les accords conclus sur le financement de la solidarité avant la parution du décret du 9 février 2017 seraient inapplicables.
Soit le juge ne limite l’incompétence des partenaires sociaux qu’à la mise en place de fonds sociaux mutualisés à toutes les entreprises couvertes par un régime.
Soit le juge estime que les dispositions proposées par le décret initial du 11 décembre 2014 étaient suffisantes.
L’incertitude demeure et la solution donnée par le juge judiciaire ne manquera pas d’être commentée dans nos colonnes.