L'accord du 17 juillet 2015 conclu la convention collective de la bijouterie (IDCC 567) est venu créer un régime collectif de complémentaire santé.
Ce texte qui recommande Mutex, est entré en vigueur le 1er janvier 2016 et, conformément à la législation en vigueur, prévoit l'organisation du degré élevé de solidarité à son article 6.2.
Mais cette partie sur la solidarité est loin d'être détaillée et le lecteur n'obtient pas plus d'information que dans les textes de loi. En réalité, pour en savoir plus sur les modalités de financement de la solidarité, il faut se rendre dans l'accord sur le contrat de garanties frais de santé conclu avec Mutex. Cet accord est dissocié du premier, pourtant il comporte une partie essentielle évoquant le fonds de solidarité à son article 6.
"Un fonds de solidarité est financé dans les conditions visées au protocole technique et financier annexé au présent contrat de garanties collectives.
La fraction de cotisation consacrée au financement de prestations à caractère non directement contributif sera affectée à un fonds dédié à cet effet géré par l'interlocuteur unique du contrat de l'entreprise.
Dans tous les cas, l'utilisation de cette contribution sera conforme aux dispositions de l'accord collectif et contrôlée par la commission paritaire nationale.
Les fonds collectés devront être utilisés pour mettre en œuvre des actions de prévention ainsi qu'une action sociale, tant collectives qu'individuelles.
Les orientations des actions de prévention ainsi que les règles de fonctionnement et les modalités d'attribution des prestations d'action sociale sont déterminées par la commission paritaire nationale et dans le règlement du fonds de solidarité."
Le fonds social réservé aux adhérents de l'organisme recommandé
L'accord signé le 17 juillet 2015 dans la bijouterie crée un degré élevé de solidarité à deux vitesses.
D'un côté, le degré élevé de solidarité est géré par l'organisme assureur recommandé pour tous ses adhérents. Cela explique la création du fonds de solidarité visé par l'accord sur le contrat de garanties frais de santé. Dans ce cas, le fonds social ne bénéficie qu'aux adhérents de Mutex.
De l'autre, les entreprises non adhérentes à Mutex, qui est recommandé, doivent veiller à mettre en place un degré élevé de solidarité équivalent à celui prévu au sein du régime recommandé.
Un fonds social est donc créé mais il ne bénéficie qu'aux salariés d'entreprises adhérentes à l'organisme assureur recommandé.
Cette distinction essentielle est à prendre en compte car elle a un impact direct sur l'application du décret du 9 février 2017.
Le fonds social de la bijouterie échappe au dernier décret
Le décret du 9 février 2017 publié le 11 février 2017 précise les règles de transparence que les accords qui mutualisent le financement de la solidarité doivent respecter.
Une caractéristique importante de ce décret est qu'il ne concerne que les accords qui prévoient le financement mutualisé de la solidarité "pour l'ensemble des entreprises entrant dans leur champ d'application".
Dès lors, un accord qui crée un fonds de solidarité mais qui réserve ce fonds à certains types d'adhérents, ne s'adresse pas à l'ensemble des entreprises. Un tel accord échappe donc à l'application du décret.
L'organisation du fonds social de la bijouterie rentre dans cette catégorie d'accord, tout comme une quinzaine d'autres accords de branche. Dans ce cas de figure, les partenaires sociaux et l'organisme assureur sont libres de déterminer, comme ils l'entendent, le fonctionnement du fonds. Mais la situation n'est pas entièrement stabilisée pour autant.
Le risque de la question soulevée par le Conseil d'Etat
Le fait que, par sa nature restreinte, le fonds social de la bijouterie échappe au décret, n'éloigne en rien le risque représenté par les récentes décisions du Conseil d'Etat.
En effet, il demeure que les partenaires sociaux de la bijouterie ont conclu un accord relatif au financement de la solidarité en l'absence de disposition légale. Or, le juge judiciaire va devoir se prononcer, à la demande du Conseil d'Etat, sur la question de savoir si "l'exercice par les parties à l'accord de leur liberté contractuelle leur permettait, en l'absence de disposition législative, de prévoir [...] financement par un prélèvement de 2 % sur les cotisations versées à l'organisme recommandé, ou un prélèvement équivalent à cette somme exigible auprès des entreprises qui n'adhèrent pas à l'organisme recommandé".
Si la décision finale venait à reconnaître l'incompétence des partenaires sociaux à négocier sur la mutualisation de la solidarité en 2015, l'accord de la bijouterie s'en trouverait affecté.
L'incertitude continue donc de peser sur toutes les branches qui proposent un degré élevé de solidarité.