Dans le contexte de généralisation des « complémentaires santé » au 1er janvier 2016, la Direction de la Sécurité Sociale apporte des précisions sur le caractère obligatoire et collectif des régimes ainsi que leur contrôle. Les réponses formulées dans la circulaire du 29 décembre 2015 peuvent conduire à repenser le contenu de la décision unilatérale de l’employeur (DUE).
Vers une vérification a minima du contenu des décisions unilatérales par l’URSSAF ?
La décision unilatérale permet, comme l’accord collectif ou le référendum, d’instituer un régime de prévoyance dans l’entreprise. Le document est sensible puisqu’il engage l’employeur vis-à-vis de ses salariés et fixe les règles applicables. Surtout, il est susceptible d’être examiné par l’URSSAF afin de déterminer si les règles d’exonération de charges ont bien été appliquées. Une mauvaise rédaction peut donc être source de redressement.
Néanmoins, la circulaire souhaite cantonner le champ de contrôle des URSSAF: les contrôleurs seraient fondés à vérifier le seul respect des articles L. 242-1 al. 6 à 9 et R. 242-1-1 à R. 242-1-6, c’est-à-dire essentiellement, le caractère collectif et obligatoire du régime. Cela comprend notamment les règles relatives aux dispenses d’adhésion, ou de définition des « catégories objectives » de salariés (permettant des différenciations). Ainsi, le respect de ces règles suffirait en théorie à bénéficier des exonérations de charges sociales.
A l’inverse, selon la circulaire, l’organisme de recouvrement ne pourrait se baser sur d’autres irrégularités contenues dans la décision unilatérale pour fonder un redressement (présence d’une clause d’ancienneté, non-respect du financement minimal …). Attention toutefois, car prenant l’exemple d’une clause d’ancienneté, la DSS précise que la solution vaut pour un acte juridique antérieur au 1er janvier 2016. La même solution ne serait pas forcément retenue ensuite, aucune clause d’ancienneté ne devant désormais figurer dans l’acte fondateur. Le manque de recul sur les pratiques des contrôleurs devrait de toute façon inciter à la prudence.
Un contenu simplifié sur les cas de dispenses d’adhésion
En pratique, la décision unilatérale s’adapte aux règles d’exemption de charges: son contenu doit être compatible avec le caractère obligatoire et collectif exigé.
La circulaire n’apporte aucune nouveauté sur l’aspect « collectif » d’un régime de prévoyance: toute volonté de distinguer plusieurs catégories de salariés (en accordant, par exemple, un régime plus favorable aux cadres de l’entreprise) devra toujours être pensée en amont, se conformer aux cas listés par le Code de la Sécurité Sociale, et être inscrite dans la décision unilatérale.
Par contre, son contenu se trouve aménagé s’agissant de l’aspect « obligatoire » des régimes. En effet, la circulaire confirme la lecture du décret du 30 déc. 2015 (n° 2015-1183, art. 3), qui allonge la liste des cas de dispenses « de droit », pouvant être invoqués librement par le salarié, sans être prévus dans la DUE (cf. article D. 911-2 C. Sécu. Soc.).
Auparavant, seule la dispense liée à l’article 11 de la loi Evin (permettant au salarié présent dans l’entreprise antérieurement à l’instauration du régime, de ne pas y adhérer) s’appliquait y compris en cas de silence de la décision unilatérale. Les autres cas de dispense devaient nécessairement être prévus dans cet acte juridique pour pouvoir s’appliquer.
Ainsi, si la décision unilatérale était muette sur ce point, l’employeur devait refuser la demande d’un salarié de ne pas cotiser au régime sous prétexte qu’il était déjà couvert par ailleurs (en tant qu’ayant droit du régime obligatoire de son conjoint, le plus souvent). A défaut, il prenait le risque que le caractère obligatoire du régime soit remis en cause lors d’un contrôle.
Désormais, les salariés bénéficiant de l’ACS ou CMU-C, ceux couverts par une assurance individuelle (jusqu’à échéance du contrat), et surtout les salariés couverts par une autre complémentaire santé obligatoire et collective (en tant qu’ayant droit) pourront tous demander une dispense d’adhésion valablement, quel que soit le contenu de la DUE. On corrige ainsi les craintes de doublons de nombreux foyers.
Si le contenu de la décision unilatérale devient moins crucial sur ce point, réduisant ainsi une partie des risques de redressement, l’employeur devra toujours prévoir certains cas de dispenses (listés à l’art. R. 242-1-6, 2°, a. à c.) pour qu’ils puissent s’appliquer. Par exemple, le salarié en CDD de 6 mois ou bien celui à temps partiel dont la cotisation représente plus de 10% de son salaire brut ne pourront refuser l’affiliation que si cela est prévu dans la DUE. Un formulaire type (déclaration sur l’honneur) devrait par ailleurs prochainement solutionner les questions sur la forme de la demande du salarié.
La décision unilatérale doit encore régler des questions stratégiques
Si la rédaction des dispenses d’affiliation au régime est allégée, la décision unilatérale est encore primordiale pour fixer les règles du régime de prévoyance, en déterminant, par exemple, la structure d’affiliation (salarié seul, famille obligatoire, options …), le taux de participation patronale …
La décision unilatérale devra également régler le sort des salariés dont le contrat est suspendu. S’il est rappelé dans la circulaire que la couverture santé doit être maintenue au salarié bénéficiant d’un maintien de salaire (total ou partiel), l’employeur n’a aucune obligation dès lors qu’il n’indemnise plus le salarié (ex : congé parental, longue maladie …) : la décision unilatérale devra préciser s’il peut continuer à bénéficier du régime.
En conclusion, même si les risques de redressement URSSAF en cas de mauvaise rédaction de la décision unilatérale semblent réduits, ils ne sont pas pour autant inexistants. Surtout, une décision unilatérale de qualité permettra aussi d’alléger le « risque prud’homal », amené à se développer. En effet, un salarié pourrait tout à fait saisir le Conseil des prud’hommes au motif que la clause d’ancienneté lui a interdit l’accès au régime ou que l’employeur n’a pas respecté son obligation minimale de financement, lui causant de ce fait un préjudice qu’il conviendrait d’indemniser …