Alors que les partenaires sociaux de la conchyliculture viennent de s'accorder sur la création d'un régime frais de santé, la prévoyance lourde de la branche aiguise l'appétit des assureurs. Avec l'aide d'Humanis, les négociateurs de la branche tentent de maintenir les entreprises dans le giron du contrat qu'ils ont négocié.
Un "package" d'assurances qui ne fait pas l'unanimité
L'échéance du 1er janvier 2016 approchant à grands pas, les démarches commerciales des organismes d'assurance se multiplient auprès des entreprises conchylicoles - comme partout ailleurs. Un représentant des employeurs explique qu'à cette occasion, la tentation est grande pour les assureurs de placer des offres globales : "Celui qui assure les risques liés au matériel : bateau, parcs, locaux, etc., et qui assure souvent également la santé des chefs d'entreprise, a vite fait de proposer ses produits pour la protection sociale de l'ensemble du personnel. Certains patrons peuvent être intéressés car cela leur simplifie la vie. Ils n'ont qu'un interlocuteur !" L'assureur, de son côté, fait lui aussi une affaire intéressante et tout le monde est donc satisfait.
Pas tout à fait en réalité. Si le partenariat que la branche vient d'initier avec la Mutuelle Générale en matière de frais de santé est très récent, il n'en va pas de même des relations établies avec Humanis dans le domaine de la prévoyance lourde. Créé en 2003, ce régime a longtemps été assorti d'une désignation au bénéfice de la Capaves, absorbée en 2014 par Humanis. Depuis la fin de l'année 2014, Humanis bénéfice d'une recommandation unique pour le contrat, dont la gestion est confiée à Ascore Gestion. L'assureur a, fort logiquement, vu d'un bien mauvais oeil la tentative de ses concurrents de l'attaquer de front sur son terrain de prédilection : "Humanis nous a rapidement alertés sur la désaffiliation de certaines entreprises", confirme notre interlocuteur.
L'assureur paritaire a pu compter sur la bienveillance des partenaires sociaux. En effet, ils portent eux-mêmes un regard critique sur la possibilité offerte aux employeurs d'aller voir ailleurs que chez le partenaire traditionnel. "C'est une question de solidarité", explique le représentant patronal, qui poursuit : "Si chacun va où il le souhaite, il n'y a plus de mutualisation des risques et nous ne le souhaitons pas". Surtout, d'après lui, les employeurs ont tout intérêt à demeurer chez Humanis : "Tant que nous sommes nombreux à avoir le même contrat, nous pouvons négocier des cotisations à un tarif avantageux. L'éparpillement des effectifs devrait se traduire à terme par des hausses de primes d'assurance". Dans ces conditions, les partenaires sociaux ont décidé d'agir.
Faire valider les contrats concurrents... par l'assureur traditionnel
Le Snec, la chambre patronale de la conchyliculture, s'est adressé à ses adhérents afin de les mettre en garde contre les risques financiers, fiscaux et sociaux liés à la mise en place d'un contrat prévoyance ne respectant pas les garanties du régime de branche. "Nous sommes tout à fait dans notre rôle, estime notre interlocuteur, puisqu'il s'agit de défendre les intérêts de nos adhérents. Il peut être tentant pour certains de se focaliser sur des gains immédiats qu'ils réaliseraient sur la cotisation, sans prendre garde aux conséquences futures d'un tel changement de contrat. Nous devons alors les alerter, c'est normal". D'après lui, l'initiative du Snec n'a d'ailleurs engendré aucune réaction négative de la part de ses membres, ce qui tendrait à prouver sa légitimité.
Un paragraphe de l'adresse du Snec attire toutefois l'attention. "Aussi, nous vous proposons d’adresser à ASCORE GESTION l’ensemble de ces documents remis par ces assureurs ou institutions de prévoyance afin de vérifier la conformité aux engagements de l’accord du SNEC et comparer le coût au regard des différences de garanties." En soi, la pratique commerciale visant à comparer des offres n'est, certes, pas une grande nouveauté. La formulation ici utilisée est néanmoins plus ambiguë, puisqu'elle enjoint les employeurs à déléguer entièrement à l'assureur traditionnel du régime prévoyance l'évaluation de l'opportunité d'un changement éventuel d'assureur pour cette garantie. Il n'est pas impossible que ceci ne soit pas sans effet sur les réponses adressées aux chefs d'entreprise...
Interrogé à ce sujet, le représentant des employeurs se veut rassurant : "Il s'agit uniquement de vérifier que les entreprises ne vont pas se retrouver engagées dans des contrats qui ne seraient pas adaptés. Sur un sujet aussi important, il n'est pas possible d'agir sans prendre des précautions". Le juge partie prenante pourra-t-il rendre un verdict tout à fait impartial ? "Dans tous les cas, il faut relativiser cet enjeu, tranche notre interlocuteur. Jusqu'à présent, nous n'avons entendu parler que de très peu de cas d'employeurs souhaitant changer d'assureur. C'est un choix vraiment minoritaire". Reste donc à savoir si la procédure de l'évaluation des offres concurrentes par l'assureur traditionnel demeurera mise en avant en cas de multiplication des demandes de changement de contrat.