Depuis la parution du décret du 11 décembre 2014, les partenaires sociaux et les organismes assureurs complémentaires y voient un peu plus clair sur le contenu du degré élevé de solidarité dans les accords santé. Pourtant, rares sont les accords relatifs au régime frais de santé qui prévoient réellement la mise en place de cette solidarité avec une description des actions à mener. Courtage Network vous propose un tour d'horizon des choses à savoir dans ce domaine.
L'obligation de solidarité est liée à la recommandation
Tout accord collectif instaurant un régime frais de santé dans les conditions définies par l'article L. 911-1 du Code de la sécurité sociale peut "prévoir l'institution de garanties collectives présentant un degré élevé de solidarité et comprenant à ce titre des prestations à caractère non directement contributif" comme le précise l'article L. 912-1 du Code de la sécurité sociale.
Le texte de loi affirme donc que le degré élevé de solidarité reste une possibilité.
Cependant, il existe un cas où cette possibilité se transforme en obligation. En effet, l'article L. 912-1 dudit code dispose que dès lors que le degré élevé de solidarité est prévu, "les accords peuvent organiser la couverture des risques concernés en recommandant un ou plusieurs organismes". Cela signifie que la recommandation d'un ou plusieurs organismes assureurs ne peut avoir lieu que si le degré élevé de solidarité est respecté. Autrement dit, dès lors qu'un accord prévoit la recommandation d'un organisme assureur, il doit également définir les conditions d'organisation et de respect de la solidarité.
Cela veut-il dire que seules les entreprises adhérentes à un organisme recommandé doivent mettre en œuvre un degré élevé de solidarité ?
Pas nécessairement. Sur ce point, le cadre n'est pas encore totalement posé et il convient de se rattacher aux textes des accords santé conclus au niveau des conventions collectives. Ces derniers précisent presque tous que les entreprises doivent respecter l'application de la solidarité même en dehors du cadre de la recommandation. Ces dispositions font donc peser une nouvelle responsabilité sur les entreprises qui, si elles choisissent de ne pas adhérer à l'organisme recommandé, doivent elles-mêmes s'assurer de l'application du dispositif solidaire.
Mais beaucoup d'accords santé restent encore laconiques. Il est alors nécessaire de se rapprocher des partenaires sociaux pour savoir si la solidarité doit être suivie en dehors du cadre de la recommandation.
Du côté des accords qui ne comportent pas de recommandation, ils sont très peu nombreux à proposer de respecter un degré élevé de solidarité. L'accord conclu dans l'hospitalisation privée à but non lucratif (IDCC 29) est l'un des rares concernés : il évoque la définition future des prestations de solidarité et la création d'un fonds social alors qu'il ne comporte pas de recommandation mais plusieurs référencements d'organismes assureurs. L'accord le plus récent à proposer des mesures solidaires sans guider les entreprises dans le choix de leur organisme assureur est celui du 26 octobre 2015 conclu dans les hôtels, cafés et restaurants (IDCC 1979). Ces exemples sont très limités et la majorité des accords santé qui comportent des mesures relatives au degré élevé de solidarité contiennent une recommandation.
De quoi est composée la solidarité ?
Les prestations qui présentent un degré élevé de solidarité ont été précisées par le décret du 11 décembre 2014 qui a créé les articles R. 912-1 et -2 du Code de la sécurité sociale. Le second propose ainsi une liste non exhaustive des dispositions qui relèvent du degré élevé de solidarité.
Ainsi pour être conforme à ce dispositif, un accord santé pourra proposer de financer des actions de prévention "concernant les risques professionnels ou d'autres objectifs de la politique de santé, relatifs notamment aux comportements en matière de consommation médicale". Il pourra également prévoir la prise en charge de la cotisation des salariés, apprentis ou anciens salariés dont la cotisation représente au moins 10% de leurs revenus bruts ou pouvant bénéficier des dispenses d'adhésion légales.
Le degré élevé de solidarité peut également être atteint par la prise en charge de prestations d'action sociale individuelles ou collectives.
Le texte réglementaire laisse le soin aux commissions paritaires des branches de définir les orientations des actions de prévention et les règles de fonctionnement de l'action sociale.
Comment est financé le degré élevé de solidarité ?
Pour financer les prestations présentant un degré élevé de solidarité, il a été prévu une affectation d'au moins 2% de la prime ou de la cotisation acquittée au titre du régime frais de santé.
Chaque accord santé doit préciser le montant de ce financement. Actuellement la grande majorité des accords santé prévoyant la mise en œuvre du degré élevé de solidarité se contente de suivre les dispositions requises par le Code de la sécurité sociale. Il arrive que des accords soient cependant plus généreux en termes de financement. C'est le cas de l'accord conclu dans l'enseignement privé hors contrat (IDCC 2691) qui pose le prélèvement de 3% sur les cotisations versées par les entreprises.
Afin de gérer les fonds récoltés dans le cadre du haut degré de solidarité, de nombreux accords santé créent un fonds social dédié. La particularité de cette disposition est que certains accords réservent le bénéfice du fonds social aux seules entreprises qui adhèrent à l'organisme assureur recommandé. C'est ce qui est constaté dans la convention collective de l'aéraulique (IDCC 1412) où l'accord santé prévoit que les entreprises non adhérentes à l'organisme recommandé doivent "veiller au respect des actions de solidarité" et ne bénéficient pas du fonds de solidarité. De même dans la convention collective des bureaux d'études techniques (IDCC 1486) où le bénéfice du fonds d'action sociale est réservé aux salariés couverts par les organismes recommandés.
A l'inverse, des accords santé comme celui qui a été conclu dans la convention collective de l'hôtellerie de plein air (IDCC 1631) permettent à toutes les entreprises de s'acquitter du versement au titre de la solidarité auprès du fonds de solidarité spécialement créé.
Dans tous les cas, il reviendra à l'entreprise de vérifier, auprès de son organisme assureur, que les modalités relevant du degré élevé de solidarité sont bien mises en œuvre.
Des accords encore trop sibyllins sur la solidarité
Actuellement, un peu plus de 40 accords relatifs aux frais de santé mentionnent spécifiquement le respect du degré élevé de solidarité.
Cependant, dans les faits, beaucoup d'accords santé renvoient simplement à une future décision de la commission paritaire ! C'est notamment le cas dans l'hospitalisation privée à but non lucratif (IDCC 29) qui précise que le comité de suivi définira les axes d'intervention du fonds social avec les organismes assureurs ; ou pour l'accord du personnel des greffes des tribunaux de commerce (IDCC 240) qui ne fait qu'évoquer l'adoption d'une liste établie par la commission mixte paritaire suite à la proposition de la commission sociale.
D'autres accords prévoient clairement que rien n'a été décider en matière de solidarité mais que des mesures seront prises. C'est le cas dans la convention collective du sport (IDCC 2511) dont l'accord santé fixe au plus tard au 30 juin 2016 la définition des actions de solidarité et de prévention.
Quelques accords sont tout de même clairs sur le contenu des actions à mener en termes de solidarité. Ils doivent cependant être divisés en deux catégories, d'une part ceux qui se contentent de rappeler les dispositions légales et réglementaires, de l'autres ceux qui détaillent vraiment les mesures retenues. Ainsi, dans la première catégorie, des accords qui reprennent les dispositions légales sans aller plus loin ont été conclus dans la réadaptation sociale (IDCC 783) ou encore dans les industries du cartonnage (IDCC 489).
Peu d'accords se situent dans la seconde catégorie. Celui des hôtels, cafés et restaurants (IDCC 1979) pourra être cité car il prévoit des mesures particulières comme l'apport d'un conseil et de soutien psychologique pour les aidants, l'apport d'une assistance sociale et psychologique, ou encore d'une aide financière sous condition de ressources aux personnes handicapées ou atteintes de maladie redoutée. Cet accord précise que ces mesures de solidarité doivent être garanties quel que soit l'organisme assureur retenu par l'employeur. L'accord des services de l'automobile (IDCC 1090) est aussi extrêmement clair concernant la solidarité : il présente dans les moindres détails les actions de prévention liées aux risques de santé publique et les actions de prévention liées aux métiers.
Nul doute que dans le courant de l'année 2016, partenaires sociaux et organismes assureurs seront nombreux à se réunir pour définir plus clairement l'ensemble des prestations à proposer au titre du degré élevé de solidarité.