En vue de la complémentaire santé généralisée, les organismes assureurs sont désireux de savoir quels accords sont signés dans les conventions collectives. L'obtention de ces informations peut présenter des difficultés car les partenaires sociaux sont parfois avares en communication, et les circuits de publication au bulletin officiel des conventions collectives (BOCC) sont plutôt opaques. Ainsi, le délai qui peut s'écouler entre la signature d'un accord frais de santé et sa publication au BOCC est variable.Cela n'empêche pas les professionnels du secteur de la couverture collective de se baser sur des accords signés mais non publiés pour prospecter les entreprises, or cela peut comprendre des risques.
Les accords santé signés et non publiés ne sont pas immuables
Les accords conclus par les partenaires sociaux doivent être examinés par les services de l'Etat avant de pouvoir entrer pleinement en vigueur. En effet, l'examen par la COMAREP (commission des accords de retraite et de prévoyance) peut aboutir à la modification du contenu d'un accord. Ce n'est qu'une fois l'accord paru au BOCC, après avoir été examiné par la COMAREP, que celui-ci peut être appliqué sans risque.
Si un organisme assureur décide de se baser sur un accord non paru au BOCC, il s'expose à un risque important. Les dispositions de l'accord peuvent encore changer et les contrats que l'organisme aura définis ou négociés avec les entreprises devront nécessairement s'y adapter. Plusieurs accords santé sont dans cette situation et les organismes assureurs doivent se montrer particulièrement vigilants quant à leur interprétation : celui des ateliers et chantiers d'insertion (IDCC 3016) signé le 15 septembre 2015, ou celui des bureaux d'études techniques (IDCC 1486) signé le 7 octobre 2015.
S'il y a peu de doutes sur le fait que ces accords soient publiés prochainement, il est important que les organismes assureurs restent prudents quant à leur interprétation.
Les accords santé non publiés ne peuvent pas être étendus
L'extension des accords collectifs doit être précédée d'une publication au BOCC. Or, plusieurs accords relatifs aux frais de santé ne peuvent entrer en vigueur qu'une fois l'arrêté d'extension paru.
La double condition de publication au BOCC et d'extension par les services de l'Etat doit donc être vérifiée pour que l'accord frais de santé concerné soit pleinement applicable. Les organismes assureurs doivent faire très attention au respect de ces critères. En effet, l'extension d'un accord santé permet d'appliquer ses dispositions à toutes les entreprises qui entrent dans son champ d'application. Les organismes assureurs peuvent donc envisager de proposer à toutes ces entreprises des offres adaptées à l'accord collectif. Mais plusieurs limites existent.
Le champ d'application restreint de l'accord santé
La première limite en cas de non extension est la réduction du champ d'application de l'accord santé. Celui-ci se limite aux entreprises adhérentes à l'une des organisations d'employeurs signataires de l'accord. C'est une difficulté supplémentaire pour les organismes assureurs qui doivent identifier les entreprises adhérentes et les entreprises non adhérentes aux organisations d'employeurs qui ont signé l'accord en question.
L'entrée en vigueur de l'accord santé soumise à extension
La seconde limite est la suivante : si l'entrée en vigueur de l'accord est soumise à la publication de son arrêté d'extension, celui-ci ne peut pas être appliqué tant qu'il n'est pas étendu. Plusieurs accords sont dans ce cas et les organismes assureurs doivent faire attention à ne pas se rattacher à leurs dispositions car ils n'ont aucune force d'application. Il s'agit notamment de l'accord conclu dans la convention collective des coopératives de consommateurs (IDCC 179) dont l'entrée en vigueur ne pourra avoir lieu que le 1er jour de l'année civile suivant son extension.
Certains accords, signés il y a plus de deux ans et dont l'entrée en vigueur est soumise à extension, n'ont toujours pas été étendus ! Les deux accords qui symbolisent cette situation sont l'accord du 15 mars 2013 dans la convention collective nationale du personnel des cabinets d'avocats (IDCC 1000), et l'accord du 6 mai 2013 dans la convention collective nationale de la boucherie (IDCC 992). Ces deux accords comportent la désignation d'un organisme assureur, et les chances de les voir entrer en application un jour sont infimes.
Les organismes assureurs en santé dans l'incertitude
Tant qu'un accord santé n'est pas publié au BOCC ou comporte une date d'entrée en vigueur incertaine, les organismes assureurs demeurent dans le doute et prennent un risque s'ils décident de se référer à ces accords comme s'ils étaient applicables. Tous les paramètres peuvent être amenés à changer, tant au niveau des garanties minimales à respecter que des cotisations ou du personnel concerné.
Une solution intermédiaire est de proposer un panier de soins minimal en conformité avec la législation en vigueur et d'adapter l'offre si un accord collectif relatif aux frais de santé entre en vigueur. Mais la signature d'un accord n'est pas synonyme d'application et d'entrée en vigueur du texte en l'état : ce paramètre d'incertitude ne doit pas échapper aux organismes assureurs positionnés sur le marché de la généralisation de la complémentaire santé.