En début de mois, BI&T évoquait les difficultés liées à la mise en place de la complémentaire santé des travailleurs intérimaires. Le gestionnaire du régime, la Siaci Saint Honoré, qui se voulait rassurant, ne semble pas avoir convaincu les salariés et leurs représentants. Dans leurs rangs, la mutuelle suscite de plus en plus de critiques.
Une qualité de service jugée médiocre
Pour la CGT, première organisation syndicale du secteur, le compte n'y est pas. Elle dénonce notamment d'importants problèmes concernant la carte de tiers-payant. Bien que l'affiliation au régime ne soit pas conditionnée par la détention de cette carte, elle est nécessaire pour accéder correctement aux soins. Or, les retards dans les envois de carte seraient très nombreux, y compris dans le cas des assurés qui en ont fait la demande. La faiblesse de la durée de validité de la carte : 3 mois, n'arrange rien à la situation et se traduirait très souvent, dans les faits, à cause des délais de traitement des demandes, par la possibilité de n'utiliser la carte que durant quelques jours. Les avances de frais seraient donc monnaie courante, y compris à l'hôpital.
Parallèlement à cela, d'autres sujets de mécontentement se multiplient. La CGT assure que le site internet dédié au régime "n'est pas facile d'accès et parfois inaccessible", que le centre d'appel est trop souvent saturé - le syndicat évoque un temps d'attente atteignant régulièrement le quart d'heure - et que les réponses données par téléphone "ne sont pas correctes". Lorsque les assurés font parvenir les demandes de remboursement, les dossiers "traînent". En bref, les choses ne vont pas pour le mieux pour les travailleurs intérimaires. Tout n'est, certes, pas noir. Un processus semble fonctionner comme prévu : les cotisations sont bien précomptées sur les salaires. Pas sûr toutefois que ceci suffise à contenter les salariés et la CGT...
Le gestionnaire et l'assureur pointés du doigt
Dans le précédent article que nous avions consacré au sujet de la mutuelle de l'intérim, nous avions donné la parole à la Siaci, qui avait insisté sur le travail très important qu'elle avait réalisé en vue de la mise en oeuvre du régime. Pour la CGT, ces efforts s'avèrent largement insuffisants. Elle considère d'abord que le gestionnaire a sous-estimé les "moyens" nécessaires à l'exécution de sa tâche. Surtout, elle met en doute la compétence de la Siaci. Après une première réunion imposée le 9 mars dernier par le syndicat au gestionnaire, il ne faut pas exclure une dégradation plus nette encore de leurs relations. Dans l'ensemble, ce n'est pourtant pas avec le gestionnaire du régime que la CGT est la plus sévère.
La première organisation de la branche attaque sans détour l'AG2R, assureur recommandé par les partenaires sociaux. L'AG2R est accusée de "faire de l'obstruction" et de constituer "un trésor de guerre sur le dos des salariés intérimaires". La CGT évoque le chiffre de "40 millions d'euros" de cotisations qui auraient déjà été encaissées par l'assureur. "Sa responsabilité est donc engagée", tonne-t-elle. A sa décharge, l'AG2R commence seulement à encaisser les cotisations précomptées et, surtout, sa position n'est pas celle de l'assureur désigné et omnipotent mais celle, toujours à consolider, de l'assureur recommandé. Enfin, la CGT tend à oublier que l'AG2R n'est pas seule recommandée dans la branche : Apicil est également concerné.
Un régime qui pose problème
Au-delà de ces débats et des arguments mis en avant par les uns et les autres afin de défendre leur position, les débuts difficiles de la mutuelle des intérimaires posent la question de l'opportunité même d'un tel régime de branche. Dans le cadre de la fin des clauses de désignation, les spécificités de l'emploi intérimaire allaient nécessairement rendre particulièrement complexe la mise en place d'une complémentaire santé de branche. Qui, du côté des négociateurs de branche et des professionnels de l'assurance, ne s'en doutait pas ? Rappelons d'ailleurs que le régime santé récemment créé chez les journalistes pigistes, dont les conditions d'emploi sont semblables à celles des intérimaires, comporte une clause de désignation.
Dans ce contexte, à terme, il n'est pas à exclure que toutes les parties prenantes finissent par choisir de surmonter leurs désaccords en demandant, pour leur branche, une dérogation à la censure des clauses de désignation. BI&T suivra attentivement les évolutions de ce dossier.