Alors que, comme le savent nos lecteurs, le tout nouveau régime frais de santé des travailleurs intérimaires a connu quelques difficultés à l'allumage, les choses s'enveniment désormais du côté de la prévoyance. Réunica, qui ne bénéficie plus d'une désignation mais demeure l'assureur de référence de la branche, vient en effet de résilier le contrat de couverture du risque lourd.
Début 2015 : une prospérité trop insolente
Au début de l'année 2015, les partenaires sociaux ont constaté que les réserves de la prévoyance étaient importantes et progressaient sans cesse : il est assez fréquent que les travailleurs intérimaires n'aient ce statut que sur une courte durée et, par conséquent, cotisent aux régimes de protection sociale sans les solliciter.
Représentants des employeurs et des salariés se sont donc accordés pour revoir les paramètres du contrat. Le 31 janvier 2015, deux avenants - l'un concernant les non cadres, l'autre les non cadres - ont largement redéfini le contrat.
En particulier, ils ont d'une part notablement assoupli les conditions d'accès à certaines garanties : accidents du travail inférieurs ou égaux à 95 jours, accidents du travail supérieurs à 95 jours et décès de la vie civile. Ils ont d'autre part décidé d'appeler les cotisations à 50 % pour les non cadres et à 0 pour les salaires supérieurs à la tranche A pour les cadres. En outre, le fonds de solidarité professionnelle a été renforcé et la portabilité mise en conformité avec la loi. Ces dispositions devaient s'appliquer du 1er février 2015 au 31 décembre 2015.
Du consensus aux éclats de voix
Au départ, ces mesures n'ont guère suscité de débats entre les partenaires sociaux et l'assureur. Quelques mois plus tard, l'AG2R a d'ailleurs été gratifiée d'une place de choix dans le cadre de la recommandation santé de l'intérim. Pourtant, cette relative entente a rapidement été remise en cause.
Comme bien souvent, le provisoire a duré et les avenants ont continué à s'appliquer en 2016. Une manière comme une autre de pérenniser la position de Réunica ? Une chose est sûre : c'est plutôt l'inverse qui s'est produit. Les comptes du régime ont viré au rouge et l'assureur a tapé du poing sur la table. Les négociateurs de branche ont été appelés à revoir les paramètres du régime.
Hélas, entre-temps, les problèmes liés à la mise en oeuvre de la complémentaire santé ont passablement irrité certains syndicats, comme la CGT, première organisation de la branche. Pour les mécontents, ne pas renégocier rapidement la prévoyance aurait été un moyen de faire pression sur l'AG2R Réunica, afin d'améliorer le fonctionnement du régime de frais de santé. En parallèle, certaines sources évoquent également des craintes de la part des partenaires sociaux de l'intérim de voir leur influence au sein de la prévoyance AG2R Réunica n'être plus du tout la même qu'elle était au sein de la prévoyance Réunica.
Quoiqu'il en soit, les négociateurs de l'intérim ne se sont pas précipités pour se remettre autour de la table et accepter de mettre la main au portefeuille.
Une rupture ferme et définitive ?
C'est dans ce contexte d'ensemble que Réunica a résilié le contrat prévoyance de l'intérim. En soi, la dérive financière d'un régime d'une telle ampleur n'était pas soutenable à moyen terme. Plus encore, elle risquait d'avoir rapidement des répercussions sur le niveau des fonds propres de l'assureur.
Pourtant, la rupture entamée par Réunica pourrait bien s'avérer être une ultime tentative de faire revenir les partenaires sociaux à la table des négociations. Evoquant une "dénonciation à titre conservatoire", une source proche du dossier assure que les différentes parties prenantes sont prêtes à faire des concessions pour trouver une solution. Il faut dire qu'il y a là un intérêt partagé...