Les courtiers d'assurance (CSCA) donnaient ce matin une conférence de presse tout à fait intéressante, qui a permis au trio Vieillard-Baron, Le Men, Campana de proposer une innovation qui risque de faire long feu dans le monde de la protection sociale complémentaire.
Face au retour des désignations
La CSCA a largement exprimé son inquiétude face à la campagne menée par le monde paritaire en faveur du retour des désignations. La résiliation du contrat de prévoyance de branche que nous révélons par ailleurs dans le travail temporaire en constitue une illustration: des organismes paritaires comme AG2R vivent largement, depuis des années, au-dessus de leurs moyens grâce à des cotisations captives qui sont surfacturées. L'introduction de la concurrence met à mal ces pratiques auto-proclamées "solidaires" et le sauve-qui-peut se généralise dans un monde où la relation client est une notion inconnue.
Les courtiers ont bien compris le risque. Les relations de connivence entre certains délégués ou directeurs généraux de groupes paritaires et l'actuelle majorité pourraient donner lieu à un passage en force pour sauver, au nom de toutes les valeurs bien connues de la bien-pensance, des groupes métastasés par leurs pratiques monopolistiques.
Au passage, les courtiers ont utilement révélé que certains députés républicains avaient apporté de l'eau à ce moulin en souscrivant à un amendement à la loi Travail fortement suggéré par des représentants en région de l'UPA.
Une proposition choc sur la prévoyance
Pour répondre à cette campagne dangereuse, les courtiers ont pris les devants et lancent une proposition choc: instaurer un 1% prévoyance obligatoire, avec libre choix de l'assureur par les entreprises. Ce système, frère jumeau du 1,5% fonctionnerait de façon simple: chaque employeur aurait l'obligation de consacrer 1% de la tranche A de rémunération de ses salariés à une couverture prévoyance de son choix.
L'idée est astucieuse, dans la mesure où elle revient au modèle de protection sociale complémentaire inventé par les partenaires sociaux "dans le dos" de la sécurité sociale en 1947. On se souvient en effet qu'après le passage en force du gouvernement provisoire sur la création d'une sécurité sociale unique en 1945, le pays réel était entré en résistance. La CGT avait refusé que les régimes existants dans les entreprises publiques rejoignent le régime général, donnant ainsi naissance aux régimes spéciaux. Les indépendants avaient refusé purement et simplement l'absorption de leurs caisses historiques par le régime général (anomalie que l'absorption du RSI risque de corriger). Et les cadres avaient créé l'AGIRC, ajoutant à la retraite complémentaire au coeur de leur projet un étage de prévoyance financé par une cotisation obligatoire avec un libre choix de l'assureur.
La réanimation de ce modèle par la CSCA ne manque pas d'intérêt, dans la mesure où il reprend implicitement à son compte la longue lutte historique contre un système monopolistique à garanties imposées telles que les pouvoirs publics en raffolent... pour le secteur privé. Rappelons que les fonctionnaires de la direction de la sécurité sociale se gardent bien de s'appliquer à eux-mêmes les règles qu'ils réservent aux assurés.
Une bataille sur les techniques de mutualisation
On notera au passage que la CSCA porte le conflit sur la rationalité même des techniques de mutualisation du risque. L'argumentation mérite d'être relevée, dans la mesure où elle pourrait porter des blessures létales à l'idéologie diffusée par le monde paritaire.