Qui sont les acteurs les plus responsables de la complémentaire santé et du remboursement de soins? L'étude de la DREES publiée fin avril donne quelques indications utiles sur les stratégies de remboursement par type d'acteurs. Les résultats ne manquent pas de poser quelques questions essentielles.
L'optique et le dentaire au coeur de l'inflation
L'intérêt de cette étude est d'abord de cibler les postes qui font l'augmentation de la dépense pour les complémentaires santé depuis une dizaine d'années. Le graphique ci-dessous permet d'y voir rapidement clair:
Depuis 2006, certains remboursements sont à la baisse, comme les médicaments. Le seul poste qui augmente de façon caractéristique est celui des "autres biens médicaux", qui englobe essentiellement les prothèses (y compris dentaires) et les lunettes.
Autrement dit, l'inflation des dépenses de santé pour les complémentaires n'est pas due à une recrudescence des maladies ou à une augmentation de l'aléa sanitaire. Elle tient d'abord au développement de la prise de charge de risques non assurantiels parce que quasi-certains: les problèmes dentaires et ophtalmologiques.
Ces données posent donc le problème crucial de l'adéquation de nos politiques de santé avec celui du véritable accès aux soins "aléatoires", c'est-à-dire dus à des maladies imprévisibles.
Qui sont les acteurs les plus responsables?
Dans cette stratégie de dépense sanitaire tournée vers le risque quasi-certain, les acteurs de la complémentaire santé ne jouent pas tous la même partition:
Comme le précise la DREES, les sociétés d'assurance sont les acteurs de la complémentaire santé qui consacrent la plus grande part de leurs dépenses au remboursement des aléas médicaux: les dépenses hospitalières et les soins de ville. Ce sont aussi les acteurs qui consacrent le moins de dépenses aux prothèses dentaires et aux dépenses optiques.
Les institutions de prévoyance, gouvernées de façon paritaire par les organisations syndicales, et souvent dirigées en solitaire par des directeurs généraux ou des délégués généraux qui s'arrogent de nombreux pouvoirs, sont les acteurs qui consacrent la part la plus importante de leurs remboursements à des dépenses certaines.
La complémentaire santé est-elle une prestation d'assurance?
Ces différences s'expliquent d'abord par des considérations philosophiques. Les assureurs pratiquent une "mitigation" du risque qui les conduit à minimiser les remboursements de risque certain. Les institutions de prévoyance s'inscrivent plus volontiers dans une logique de transfert qui les conduit à rembourser plus largement des dépenses qui ne relèvent pas de la maladie.
D'un point de vue assuranciel, en effet, l'optique ou le dentaire relèvent assez peu du champ des remboursements. Compte tenu de la quasi-certitude de la survenue de ces risques, l'assurance assume plus, vis-à-vis de ces garanties santé, un rôle de "banquier" qui conserve une épargne le temps que le risque survienne, plutôt qu'un rôle d'assureur proprement dit chargé de couvrir le risque aléatoire qui pourrait atteindre l'assuré.
Démonstration est en tout cas faite qu'une gestion responsable du risque dépend d'abord d'une stratégie en management du risque, et certainement pas d'une réglementation aveugle, comme celle inventée par Marisol Touraine il y a un an et demi.